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Lettres à Lou |
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Le regard d'un papa sur son petit prince pas comme les autres, sur la vie, l'éducation, l'amour.
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vendredi 28 mars 2008 |
60 Conscience |
Mon petit bonhomme,
Je voudrais revenir sur ce goûter où nous jouions aux "mots que tu ne comprends pas" et durant lequel tu m'as demandé de t'expliquer certains mots entendus dans la séquence du diagnostic du film "Lettre à Lou" que tu écoutes encore occasionnellement aujourd'hui. Je m'attendais – ou devrais-je dire : j'espérais – qu'un jour tu me poses ce genre de questions par rapport au film. Je m'y étais donc préparé. Ce n'est pas la première fois que tu nous questionnes par rapport à ton/tes handicaps. Une réelle prise de conscience s'est développée depuis un an environ.
L'autre jour, quand nous promenions Méga en forêt, tu as apostrophé un promeneur pour discuter de son chien – ton grand plaisir lors de nos balades est d'entendre Méga aboyer ou jouer avec d'autres chiens que l'on croise -. Tu t'es présenté d'une manière exhaustive, comme tu le fais de plus en plus souvent avec les personnes que tu ne connais pas : - Bonjour, je m'appelle Lou, j'ai 9 ans, je suis aveugle et je n'ai pas de septum, et mon chien s'appelle Méga, et tu connais Giuliano qui a perdu son sac ? Ainsi, tu as conscience aujourd'hui de ta différence, quand bien même il est difficile pour toi d'en mesurer l'incidence ou précisément la différence que cela représente par rapport aux autres. Qu'est ce qu'être aveugle pour qui n'a jamais vu… J'en ai déjà longuement parlé en ces pages .
Cet éveil à ta réalité, tu m'en as déjà aussi fait allusion par rapport à tes "tocs", "trips" et "obsession". - Dis, papa, c'est parce que je suis handicapé que j'ai mes obsessions ? - Non, Lou, ça ce n'est pas un handicap, c'est un comportement lié à tes peurs. Par contre, le fait que tu ais parfois difficile à te concentrer ou appréhender ce que tu ne connais pas est une forme de handicap, parce que c'est un peu plus difficile pour toi de réfléchir longtemps, mais tu vois, tu progresses, tu grandis. - Fais Giuliano qui cherche son sac ! - Tu as entendu mon explication, Lou ? - Oui, mais fais Giuliano qui a perdu son sac. Et une fois encore, tel une girouette, tu as tourné la page pour passer à autre chose, sans me permettre de savoir si mon explication avait bien été intégrée. …Et il nous faudra te le répéter et répéter encore au gré de ta curiosité ou de tes questions.
Le fait d'être en contact avec des enfants atteints d'autres handicaps, à l'école ou avec des amis, a aussi éveillé en toi cette notion de différence te concernant ou concernant d'autres personnes. Ce qui est étonnant, c'est que cela ne t'affecte nullement… à ce jour. Nous avons parfaitement conscience que cela pourrait changer au fur et à mesure de ton éveil et de la naissance d'un sentiment d'injustice, mais à chaque jour suffit sa peine, comme on dit.
Cet éveil fait aussi résonner en moi une réflexion que nous avons abordé lors du séminaire que la Fondation Lou a organisé : le problème du diagnostic "étiquette". Tu es Lou, tu es certes un enfant atteint du syndrome de Morsier, mais avant tout, tu es toi. Tu as des différences sensibles et facilement perceptibles, mais nous sommes tous différents… de manière souvent cachée, afin de nous fondre dans la société. Si ta différence peut être handicapante dans la vie de tous les jours, elle est aussi faite d'une richesse singulière et unique, tel ta passion et ton don inné pour la musique, tel ta gentillesse naturelle, automatique et sincère… dans les moments où tu te sens bien et en confiance.
Tu es toi, mon bonhomme, et tu es unique au monde. Ta vérité vaut celle des autres.
Article rédigé en miroir du journal de Lou : En avant vers mon passé |
Par Luc Boland,
à 11:51 :: Lettres à Lou
:: #76
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jeudi 13 mars 2008 |
59. Une longue absence |
Mon petit bonhomme, cela fait des mois que je te suis bien indisponible, bien que nous ayons trouvé ensemble une belle complicité dans ces rares instants rien que pour toi. Des mois que j'ai mis à profit pour essayer de faire avancer les choses et aider tous les parents qui, comme nous, ont un enfant atteint de handicap. Le nom de la "Fondation Lou" ne t'est plus étranger, tant il occupe la place dans des conversations lors de nos repas, mais de là à comprendre ce que cela représente…
De la raison de cette lettre pour ce futur hypothétique où tu serais capable de lire et comprendre ces lignes.
J'ai décidé, avec ta maman, de fixer comme premier objectif de la Fondation Lou "le soutien moral aux parents "autour" du diagnostic de handicap de leur enfant". Car à l'analyse de la situation –tant en Belgique qu'en France et ailleurs -, une grande majorité de parents se retrouvent lâchés dans la nature sans aucune forme de soutien moral et/ou social. Or, il est impossible que des parents apprenant le handicap de leur enfant aillent bien. Tant de témoignages me sont ainsi parvenus depuis ces quatre années où je communique à propos de notre aventure avec toi. Il nous a semblé logique et fondamental d'essayer de faire bouger les choses en ce domaine, car des parents qui "vont mal", ne peuvent générer un enfant qui va bien, fusse-t-il handicapé. C'est le départ de la vie, d'une nouvelle vie qu'il convient d'accompagner, assister et aider.
Samedi passé, j'ai donc organisé un grand séminaire en guise d'état des lieux. 330 personnes ont répondu présents : parents, médecins, associations, services d'aide précoces ou d'accompagnement, psychologues, enseignants, éducateurs, représentants des pouvoirs publiques (qui nous soutiennent) etc. Ce fut une journée riche, intéressante, et les applaudissements rythmés des participants à la fin de la journée m'ont profondément ému et inondé de plaisir : nous avons eu raison de lancer ce vaste chantier.
Si cette journée est une première étape, que le chemin est encore long, que le travail à accomplir est énorme, je vais enfin avoir un peu plus de temps pour être un peu plus à tes côtés.
Bèrlebus. |
Par Luc Boland,
à 16:21 :: Lettres à Lou
:: #75
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