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Lettres à Lou |
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Le regard d'un papa sur son petit prince pas comme les autres, sur la vie, l'éducation, l'amour.
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vendredi 10 février 2006 |
46. Passé, présent, futur |
Mon petit Lou, J’ai envie de t’écrire, ce soir. Une lettre de plus, que tu es bien incapable de comprendre aujourd’hui. Un jour peut-être… dans dix, quinze ou vingt ans, ou peut-être jamais. Qu’importe, puisque cela me fait du bien.
L’envie de cette lettre me vient des réactions au récit que j’ai écrit à propos du ferrailleur. Par ta passion pour les bruits de la vie et l’évocation de ce marchand ambulant, j’ai réveillé des souvenirs à des lecteurs. Souvent ayant trait à leur enfance. Cela me fait sourire, car c’est très exactement une des choses les plus intenses que je vis avec toi. A moi aussi, tu réveilles tant et plus de souvenirs d’enfance. Je passe mon temps à farfouiller au fond de mon âme passée pour comprendre tes peurs, tes craintes, tes attentes ou tes joies. Et je me souviens des miennes. Je revis pas à pas mon passé .
Depuis le jour du diagnostic, il y a sept ans maintenant, je vis en « analyse permanente » à tes côtés. D’avoir démonté une à une toutes les briques de l’édifice de mes certitudes, il m’a fallu tout reconstruire : selon ton architecture et mes convictions retrouvées. Nous n’en sommes encore qu’aux fondations. Et de sans cesse recommencer à zéro à chaque fois qu’un nouvel élément remet en question les plans. Bien avant toi déjà, j’avais fait des choix éducatifs identiques pour Mathilde et Eva : me mettre à leur place pour comprendre leurs vraies attentes (qui ne sont pas nécessairement un « oui » à une demande. Les enfants ont besoin de sentir une autorité justifiée qui est rassurante, au contraire de la démission). Mais avec toi, tout prend des proportions vertigineuses puisqu’il faut tout re-conceptualiser sans la vue. C’est, je pense, le seul moyen de te comprendre, d’être à tes côtés pour t’aider, t’expliquer.
En retour, tu me fais découvrir tant de choses. Par exemple, à te voir te déplacer dans la maison, j’ai appris la nuit à m’y promener sans lumière. Je n’ai plus besoin de ma vue. J’ai pris d’autres repères en mémorisant les « impressions de distances dans l’espace » et en me souvenant de la place des choses, comme des balises successives à atteindre. Mais pour cela, il m’a fallu reconstruire tout un schéma de pensée, réapprendre à faire confiance à d’autres sens que la vue.
En conclusion, ma sensibilité au son du ferrailleur vient aussi de mon enfance. Je me rappelle de l'aiguiseur de couteau, du poissonnier, du glacier Zizi …et le vendeur de porte clé, avec son gros camion et son klaxon unique. C’était fin des années soixante.
Merci Lou, de ce voyage intérieur que tu me (et nous) fais parcourir de long en large. Et je suis ravi de le partager avec autrui. |
Par Luc Boland,
à 17:34 :: Lettres à Lou
:: #62
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