Petit Prince, Permets-moi de m'arrêter quelques instants et de te parler de la raison qui m'anime en regard à cette exposition publique de ta vie.
Il m'arrive souvent d'y réfléchir ou d'être interpellé à ce sujet par des lecteurs ou amis. Bien que je sois convaincu du sens de ma démarche, et volontaire par rapport à ses aboutissements, ces questions sont à chaque fois l'occasion de tout mettre à plat, de réévaluer le bien fondé des projets.
Le doute m'habite, tu le sais, et c'est très bien ainsi.
Le doute, c'est l'ouverture une à une de toutes les portes rouillées d'un prison délabrée à la recherche d'une innocence inconnue. Au risque de voir jaillir des monstres ressuscités, des ogres déchaînés, des cauchemars soudain libérés. C'est une joute solitaire, sans aucune possibilité de surveiller toutes les issues.
Mais faut-il pour cela laisser enfermée l'inconnue innocente ? A force de s'enfermer dans ses certitudes, on finit par se cloisonner, s'étriquer, s'emmurer. On devient son propre prisonnier.
Ainsi donc je remets régulièrement en jeu le bien fondé de ma démarche, mais je n'y trouve ni monstre, ni cadavre. Et puis, je sais qu'elle nous fait du bien, et qu'elle fait du bien à autrui. Tout simplement.
Quant à la question de savoir comment tu réagiras à ce "déballage publique" de ton intimité (et de la notre aussi) - à condition que tu sois capable de le comprendre, et pour cela, de te voir entrer de plein pied dans notre monde -, j'y ai déjà longuement réfléchi.
Ce jour là, je te ferai lire ces témoignages bouleversants : Celui de ce papa qui avait depuis trop longtemps oublié ses enfants, Celui de cet autre papa ayant un Petit Prince différent comme toi, et qui a retrouvé force et courage, De ce grand frère de onze ans, qui après avoir lu le site, a dit : "je t'aime" pour la première fois à sa petite soeur handicapée de sept ans qu'il fuyait.
Et puis, je te lirai et relirai tout ce que j'ai écrit, sans gêne ni honte. Parce que c'est une aventure fabuleuse. Et quel qu'en soit le déroulement futur et l'issue, tu découvriras le combat d'amour que nous aurons livré avec toi. Pour toi.
Et tant pis pour ceux qui ne comprennent pas. Pourvu qu'ils comprennent un peu mieux le droit à la différence, le droit à toutes les attentions, à tout l'amour.
Ce sont nos droits les plus inaliénables. Quotidiennement bafoués et sacrifiés sur l'hôtel de la mauvaise raison.
Je persiste et signe.
Ton papa.
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