Journal de Lou
un petit prince pas comme les autres
  Bonjour, je m'appelle Lou.
Je suis un petit garçon qui ne voit bien qu'avec le coeur, ce qui rend la vie de mes parents et mon éducation épiques !
Je suis donc aveugle et différent dans ma petite tête blonde.
 

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...avec toutes mes excuses pour les personnes qui ne l'auraient pas compris, tous les textes de ce site sont pensés et écrits par moi-même (son papa).

Lou n'en est actuellement pas capable, tout comme il n'est pas capable à ce jour de comprendre "un ordinateur", "internet", ou se concentrer longtemps sur une conversation. Seul l'avenir nous dira si nous parviendrons à l’intégrer totalement le monde dans lequel il vit.

Il est donc clair que ces récits, bien que tous les faits rapportés soient bien réels, comportent une interprétation que je fais en fonction de son comportement. Mais pour bien le connaître depuis plus de cinq ans, je pense ne pas me tromper.

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lundi 28 août 2006

518. Un grand chantier (…parmi d’autres)

Au gré de mon quotidien –même en vacances -, papa ou maman essayent de discuter avec moi et d’aborder certains sujets un petit peu compliqués. Parmi eux, il y a ces petits gestes que je n’arrête pas de faire dès que mes mains ou mes pieds ne sont pas occupés.

Le problème –puisqu’il semble que c’en soit un pour eux - revient de plus en plus souvent sur le tapis depuis un mois, depuis ce jour où j’avais lâché à maman, tout de go :
- J’ai peur de ne pas avoir de corps.
Cela avait entraîné une longue conversation sur le fait que je sois aveugle. Il paraît que cette peur est normal parce que je ne vois pas mon corps avec mes yeux. Du coup, j’ai besoin de le sentir pour être sûr que tous les morceaux sont bien là. De la raison de mes petits gestes. C.Q.F.D.

Ainsi, depuis lors, quand j’excelle dans mes chorégraphies*, j’entends la voix de l’un ou de l’autre qui intervient. (*Je parle de chorégraphie et non d’agitations désordonnées car les gestes sont très précis, codifiés et récurrents, comme un catalogue de sensations agréables dans lequel je puise sans fin).
Maman :
- Tu sais, Loulou, ces petits gestes répétés, ce n’est pas très joli pour les autres. Ils ne comprennent pas cela. C’est bizarre pour eux.

A une autre occasion. Maman (bis) :
- Tu sais, Lou, je crois que tes gestes répétitifs, c’est peut-être en rapport avec ta peur de ne pas avoir de corps. Tu as besoin de te toucher pour te rendre compte que tu as un corps. Beaucoup d’aveugles ont cela, au début.
- Je peux avoir mon Furby ? Je peux lire ?
- Lou, as tu écouté ce que je t’ai dit ?
- Oui, que je ne dois pas avoir peur et que je ne dois pas tout le temps faire mes petits gestes.

Plus tard, ce jour là, c’est moi-même qui aborde le sujet :
- Tu sais, maman, je ne crois pas que je fais ces petits gestes parce que j’ai peur. C’est parce que j’aime bien ça.
- Oui, bien sûr, cela t’amuse, te plaît, mais on appelle cela des gestes de réassurance ; ça veut dire que tu as sans doute besoin de te rassurer en faisant ces petits mouvements. Mais tu sais bien que tout va bien, et donc tu n’as plus vraiment besoin de faire cela.
- Ah, oui, je fais ça pour mes rassurer, mais comme tout va bien, que papa et toi, vous êtes là pour me protéger, que je n’irai plus chez « bip bip », je ne dois plus faire ça tout le temps…
- C’est cela, mon Loulou.
- Mais moi, j’aime bien faire ça « en écoutant la caméra de papa »*.
Maman me corrige :
- Tu veux dire, quand tu imagines entendre la caméra de papa ?
- Oui.
- Mais tu peux continuer à le faire de temps en temps, par exemple dans ton lit, quand tu imagines entendre la caméra de papa… Mais pas tous les jours.
Je conclus en imitant le ton de maman, c’est à dire en appuyant volontairement sur le mot « besoin », comme ils le font si souvent avec moi pour ponctuer les mots importants d’une phrase :
- Oui, j’ai pas beeesoin de faire ces petits mouvements tout le temps.
Je rajoute avec malice :
- Juste de temps en temps…

A une autre occasion, j’apostrophe papa qui lit dans le fauteuil. Je prends le ton exaspéré de « celui qui sait », juste pour le plaisir d’y mettre la forme. C’est si gai les intonations : c’est la musique des mots.
- Dis, enfin, papa ! Est-ce que tu m’écoutes ?
- …euh, oui. Qu’est ce qu’il y a, mon fils ?
Je sens au timbre de sa voix qu’il est amusé. Yes, ça me plait. Je continue sur ma lancée et me vautre sur lui:
- Et bien, moi, je ne vois pas que tu ne le fais pas !
- Que je ne fais pas quoi ?
- Ben, les petits gestes.
- Mais c’est pour cela qu’on te l’explique, Loulou.
- C’est parce que je suis handicapé ?
- Oui, parce que tu es aveugle, que tu ne vois pas ton corps et que tu as besoin de te rassurer. …Et parce que tu ne vois pas que les autres ne le font pas.

Et ce sujet de prendre de plus en plus de place dans nos conversations, entre ceux à propos de « bip bip » (j’ai supprimé, les « crac crac », c’était trop long à prononcer), de Madina et Jordi qui sont amoureux, etc.
Parce qu’avec moi, point de répit : quand un sujet me trotte dans la tête ou qu’on me l’y met, on ne me l’enlève pas comme ça. C’est une autre manière de me rassurer que d’ainsi tout le temps parler de la même chose. Et puis, oui, je sais maintenant que je suis aveugle, handicapé, mais cela n’en reste pas moins hyper difficile pour moi à conceptualiser.


* « la caméra de papa » n’est autre qu’une nouvelle formulation que j’ai inventé pour dire que je me raconte une histoire dans mon petit monde imaginaire. Ainsi, lorsqu’il viennent me chercher le matin dans mon lit, je leur dis souvent que je joue à écouter le monsieur de la voirie et son camion dans « la caméra de papa ». Ben oui, quand j’entends le film que papa a fait sur moi, ou une de mes prestations au piano que je lui ai demandé de filmer, c’est comme un histoire que de se réentendre, pardi !

PS : Vous trouverez une note en miroir de celle-ci sur « lettre à Lou » : Le grand chantier

Photo :
Réassurance
Par Bèrlebus :: lundi 28 août 2006 à 13:28 :: Un monde à moi :: #599 :: rss


Vos commentaires

Je vois que je ne suis pas le seul à courir... ;-)

Le lundi 28 août 2006 à 21:26, commentaire par Luc :: #
 

Quel bonheur de vous retrouver!!!
En vous lisant, je me rends compte (encore plus) que ce n'est pas évident du tout pour Lou de percevoir tout ce qu'il ne peut voir, et quelque part je comprends mieux ses peurs, ses angoisses et ce besoin de vivre dans l'imaginaire... Et même si vous le rassurez, lui aura sans doute toujours besoin de s'inventer un "monde à lui".
Ce que je trouve merveilleux, c'est toute cette patience, cette attention de chaque instant, les réponses à l'impossible parfois, oui j'admire de tout mon coeur tout cet AMOUR qui vous rassemble!!!
Bizzzzzzzzzz

Le lundi 28 août 2006 à 22:54, commentaire par ANDREE :: email :: #
 

Emouvant en effet tout cet amour si important pour ce petit prince, car indispensable à sa construction.
Combien il est difficile de pénétrer et comprendre ce monde si particulier qui est le sien, mais combien il est agréable de l'accompagner et de l'aimer.
Que dire, si ce n'est : continuez à lui donner cet amour, bravo Luc pour votre témoignage, votre site, vraiment, bravo à Lou.

Le lundi 28 août 2006 à 23:37, commentaire par laurence :: email :: #
 

Et bien Lou, que tu grandis vite, cela fait un petit moment que je suis ta vie et je te vois évoluer si vite...
Tu sais, Lou, tu n'es pas le seul à te poser cette question: "Est-ce que j'existe? Est-ce que j'ai un corps? etc."
Quelques philosophes se sont cassé la tête à vouloir répondre à ces questions...Certains cinéastes aussi (je n'ai pas aimé ce film mais matrix pose la question de savoir si nous vivons dans un monde réel, si le monde existe au delà de nous, de notre esprit,...
Et d'une manière plus commune: qu'est-ce qui fait que nous avons une vraie existence?! une identité? un travail? un enfant? ...?
"On ne connait que ce que l'on a apprivoisé..." tes gestes dont tu avais réélement besoin (moins maintenant) est-ce ta façon d'apprivoiser ton corps?!
"On ne voit bien qu'avec le coeur..." Lou, je ne t'ai jamais vu, jamais touché, mais je sais que l'essentiel (toi, ta vie, tes sourires, ...) existe! Le coeur de ton papa bat si fort pour toi entre les lignes de ton histoire sur ce site qu'il nous permet, nous lecteurs de te voir aussi à travers nos coeurs...

Le mardi 29 août 2006 à 18:55, commentaire par Kenny :: email :: site :: #
 

Joliment dit, Kenny. merci.
Mezrci aussi, Laurence et Andrée (fidèle parmi les fidèles ;-)
...Ceci dit, c'est loin d'être gagné... A suivre donc !

Le mardi 29 août 2006 à 19:28, commentaire par Luc :: #
 

Coucou Lou,

Me r’vla, en ces temps de rentrée
Bon, ben j’vais encore être le dernier (comme d’hab.) à poster !

Luc juste je voulais te dire à toi et ta tribu cette façon COURAGEUSE de s’attaquer à ces tics voir tocs.
Forcément qu’en tant que (très) proche l’on ressent bien toute cette angoisse lorsqu’ils se mordillent les doigts (par ex.) et je me dis que la patience et la répétance viendront bien à bout de ces fléaux envahissants.
Cependant, il est des signes qui parlent parfois bien mieux que les paroles : lorsqu’il se frotte vigoureusement les mains tout en trépignant….alors je sais qu’il est trop, trop HEUREUX.

...et pour *te suivre*, tu peux compter sur nous.

Le mercredi 30 août 2006 à 08:44, commentaire par allantin :: #
 

Bonjour la Bretagne ;-)
"la répétance", voilà un mot qui résumerait très bien l'aventure avec Lou. Chaque acquis l'a été à cette condition : répéter, répéter, 10, 100, mille fois même (comme "Mais non, le bain n'est pas vide" à chaque bain et même dans la mer, tant l'expérience que jai décrite dans cette chronique du temps qui passe (qui date de novembre 20003), reste ancrée dans ses tripes.
Et un jour... ça passe et avance !

Le mercredi 30 août 2006 à 18:04, commentaire par Luc :: #
 

Lou encore plus que tous/tout, comme tous ces enfants blessés, a besoin de se rassurer, et d'être rassuré, ces petits gestes il en a besoin forcément, et le temps fera que petit à petit en apprenant à se connaître ils cesseront, il faut lui laisser le temps, même si le chemin est long, cela vaut le coup, je vous l'assure,
mais vous le savez déjà, vous qui êtes si tendre et si combattant à la fois pour votre petit prince,
mes encouragements vous accompagnent, Lou a décidément choisit une belle famille remplie d'amour, c'est ce qui transparaît au regard du reportage et au travers de tout ce qui est écrit dans ce site formidable.
P.S. : vous et Lou avez tout à y gagner au contraire, ces enfants nous étonnent, souvent !

Le mercredi 30 août 2006 à 19:17, commentaire par laurence :: email :: #
 

Coucou,p'tit Lou ...
Ponette, pas souvent présente mais qui pense beaucoup à toi, à ton Papa, à ta famille .... Qui pense à tous les progrès que tu fais même si c'est si difficile pour toi de te découvrir !! Bisous ..

Le mercredi 30 août 2006 à 19:18, commentaire par ponette :: email :: #
 

Bonjour Ponnette. ;-)

Le jeudi 31 août 2006 à 10:07, commentaire par Luc :: #
 

Oui, il a longtemps que je ne t'ai pas fais de petit coucou, cher petit Lou, qui grandit si bien et a beaucoup de chance d'avoir une famille si unie et qui s'enrichit à ton contact.Bravo et gros bisous.

Le mercredi 6 septembre 2006 à 21:22, commentaire par abraseliane :: email :: #
 

Bonjour petit prince,
Me voilà de retour de mes vacances à moi ! Eh oui moi aussi je suis à la mer, ce grand truc bleu qui fait du bruit et qui est salé ! Les vacances c'est merveilleux ! Du coup j'ai un peu de retard dans toutes tes aventures....et il t'en arrive des choses ! Mais là je vais me prendre le temps de venir lire tout ce que tu as fait de beau, tes envies, tes impressions tes découvertes !
J'espère que tu vas bien ! Mais ça je le saurais au fur et à mesure de ma lecture !
Alors je ocntinue en te faisant déjà ainsi qu'à toute ta famille une première série de bisous....promis pas trop mouillés !

Le mercredi 13 septembre 2006 à 09:32, commentaire par Caroline :: email :: #
 

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