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vendredi 16 janvier 2004 |
151. Chronique du temps qui passe (10): Haute trahison ! |
Papa m'a autorisé à tous les gros mots : m..., prout, caca, mince, flute, craque-boum-zute-flute etc... Faut dire qu'il était pas fier le traître ! Tout a commencé il y a une dizaine de jours. Le docteur de l'école trouve que j'ai un oeil plus gros que l'autre. "Exophtalmie" qu'y disent les grandes personnes... Ce mot barbare que j'comprends pas me dit rien qui vaille : y'a de l'hosto dans l'air. Et je m'suis pas trompé ! Hier après-midi, y vient me chercher. Ça f'sait deux jours que maman et lui me mettaient au parfum, annonçant l'échéance. Moi aussitôt : "j'ai peur !" Eux (rassurant) : "Mais Loulou, tu ne dois pas avoir peur, c'est juste aller voir l'ophtalmologue, le docteur des yeux, pour voir si tout va bien."
Moi : "Pas de petite piqûre ! Pas de petite piqûre !" Papa et maman en choeur : "Mais non, chouchounet, il n'y aura pas de petite piqûre. C'est promis." Faut dire qu'en la matière j'en connais un sacré bout et que ça m'reste en travers de la gorge : entre mes trois semaines et mes quatre premiers mois d'existences, j'ai eu droit à la plus belle représentation de ce que l'hôpital peut vous en faire voir : et vas-y que j'te foute sous sédation (même si j'veux pas), qu'on t'mette plein d'électrode sur la crâne et ailleurs, qu'on t'introduise dans une énorme machine qui fait un boucan d'enfer (de la raison de mon intérêt pour les tondeuses ?), qu'on te pique pour te sucer le sang (pour ne citer que cela). Radiographie, échographie, "gnagnagnie", barbarie, résonance magnétique, électroencéphalogramme -demandez le programme !- : et on voudrait que j'joue le jeu ? Et on voudrait que la vie me fasse pas peur ! L'enfer sur terre existe, j'lai rencontré. J'voudrais vous y voir, vous : on vous banderait les yeux, on vous emmènerait dans plein d'endroits qu'vous connaissez pas, puis on vous tripoterait, piquerait, agresserait l'ouie, le toucher et même le goût avec tous ces médicaments à ingurgiter. Hé !
Enfin, je l'sens bien, dans les "zopitals", les docteurs et les infirmières, y sont presque toujours pressés. Pas le temps de se faire amis-amis, de m'laisser prendre la température du lieu. Bref...
Hier donc, chui pas rassuré. Papa sort le grand jeu pour me distraire et me détendre. Moi, j'm'entoure (dans ma tête) du Petit Chien Courage, de Monsieur René et de Monsieur Guy. Mais y manque
l'éléphant que papa a oublié de prendre. L'andouille !
Heureusement, y'a pas d'attente et la docteur est très gentille. Ca commence bien, mais très vite, j'me butte : y veulent me mettre des produits dans les yeux et me les faire ouvrir pour "regarder". Ni une, ni deux, j'engage le rapport de force. Aller-retour entre le positif et la résistance. Y'a une infirmière qui s'rajoute pour m'immobiliser. Là, c'est une déclaration de guerre. C'est qui celle-là qui prétend vouloir tenir ma tête ? Elle m'énerve plus que tous les autres avec ses : "c'est rien, c'est rien !" . On m'l'a déjà fait celle-là. Au bout de cinq minutes de guerre de tranchées, ils ont ce qu'ils veulent. Papa n'arrête pas de me causer gentiment, mais y m'énerve aussi. Y ferait mieux d'les arrêter au lieu de se ranger dans leur camp.
Et tout ça pour quoi ? Pour entendre que tout va bien ! J'me dis que c'est terminé lorsque j'entends la docteur dire à papa qu'au niveau des yeux, pat'problème, mais y faudrait juste s"assurer qu'y'a pas de cause endocrinienne.
Coup de téléphone avec un des autres docteurs de l'hôpital que j'connais bien.
Y mettent le parlophone. J'entends toute la conversation. Re-liste de mots barbares que j'pige pas : hypophyse, thyroïde, tumeur et ...prise de sang. Le mien ne fait qu'un tour. Je sens la trahison dans l'air. ...Et j'me trompe pas. J'aligne trois cent "j'ai peur". Papa me rassure, s'excuse, dit qu'c'était pas prévu, que ce sera vite fait, pas grave... J'ai la pétoche. Même "le fauteuil qui pleure" (séance de guili-guili) dans la salle d'attente n'y fait rien. Je m'transforme en petit chien sauvage. Il est loin le Petit Chien Courage. L'infirmière s'en sort pas, me maintient de force. Et une, et deux, et trois piqûres paske l'aiguille ne tient pas. J'sens bien qu'papa n'en mène pas large. Et une, et deux, et trois, et quatre, et cinq fioles. J'me débats. Papa me presse pour que j'bouge pas : logique, chui en furie ! C'est fini. Chui rouge tomate. Papa me prend dans ses bras. J'me venge, le pince et le mords (bien fait pour lui). Y moufte pas, il me câline et me demande calmement d'arrêter. C'est fini. Fi-ni.
Il faut toute la traversée de l'hôpital, le chemin vers la voiture et la traversée complète de la ville pour voir disparaître mes "j'ai peur", mes larmoiements. Après une demi-heure de trajet, j'm'endors. Epuisé.
A la maison, on retrouve maman. J'lui dit : "Chui malade". Et de fait : 38.5°. Pask'en plus j'couve d'nouveau kekchose. Dur dur la vie parfois.
Mais le soir venu, papa me rejoint dans le fauteuil ..."qui pleure". On s'marre tous les deux une bonne demi-heure. Guili, jeux de mots... Puis y m'cause : il s'excuse. Mille fois. J'lui pardonne et lui fait une doudouce. Chui pas un rancunier, moi ! Y m'explique enfin qu'il a été puni : à force de devoir me maintenir de force, ses épaules ont trinqués un max. On est quitte.
Mais m'est avis k's'est pas demain que j's'rai réconcilié avec les "zopitals". Puis y'a un truc que j'comprends pas : pourquoi les grands y font des promesses qu'y tiennent pas ? Hein ?
P.S.: Pat'panik, hein ! La photo vient d'une autre visite à l'hosto où, crevé, j'm'appuyais sur mon genou : de la raison de mon oeil écrasé !
(la réponse de papa se trouve dans :
"lettres à Lou" - neuvième lettre)
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Par Bèrlebus :: vendredi 16 janvier 2004 à 10:21 :: Au jour, le jour
:: #177
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Vos commentaires |
2004-01-16, 13:49:38
Petit chien courage ...
Et bien moi, je trouve que tu es bien le petit chien courage, car du courage, il en faut pour cette petite séance à l'hosto. Et le grand chien courage, il existe ? Et bien, je crois que oui. Et je crois même que c'est ton papa car il lui en faut aussi du courage pour passer par le fait qu'il faut te soigner et le fait qu'il faut te consoler parce qu'on te soigne et que tu n'en a pas envie. Bravo à toute la petite famille du chien courage
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Le samedi 4 décembre 2004 à 15:29,
commentaire par
Sophie
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2004-01-16, 16:41:08
les promesses des adultes
tu sais, Lou, la vie est parfois difficile pour les grands aussi. j'ai un fils moi, un garçon de 6 ans, né bien trop tôt pour rester près de moi. Comme toi il a subi nombre d'examens et de peurs, comme toi aujourd'hui et même à six ans et sans être aveugle ni quoi que ce soit il a peur. Et moi aussi. Il a peur des piqûres et des examens .Et j'ai peur des mauvaises nouvelles qu'on te balance comme ça entre deux portes et qui nous obligent à mentir. Encore aujourd'hui je l'entends hurler pour une ponction lombaire qui finalement n'était pas nécessaire et pour laquelle malgré son jeune âge (trois mois) on a refusé que je sois présente. il est parti seul avec des gens qu'il ne connaissait pas, oin de moi, pour cette piqûre. Alors oui je comprends ta peur, ta hantise et oui tu as raison de le dire, Lou courage petit prince
sylvie |
Le samedi 4 décembre 2004 à 15:29,
commentaire par
Sylivie
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2004-01-16, 22:43:05
COURAGEUX P'TIT LOU...
Je ne pense pas que papa ai voulu te cacher quoique ce soit, mais parfois il est nécessaire d'aller plus loin que ce qui était prévu...T'inquiète pas, tu as le droit de râler, de crier et de pleurer, tu as peur et c'est compréhensible et trop injuste. Qu'as tu fait pour mériter ça : rien, mais tu sais Lou il y a tellement d'enfants qui souffrent et qui n'ont pas cet immense amour que te donne toute ta famille...Tu dois faire confiance à papa et maman parce que tout ce qu'il font c'est pour ton bien, pour que tu puisses vivre dans les meilleures conditions possibles. Si ton gros chagrin est passé, reprend ta guitare et fait la tondeuse...chante!!!Tu mérites bien le nom de "petit chienCOURAGE". Bon week-end bonhomme Bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz, |
Le samedi 4 décembre 2004 à 15:30,
commentaire par
ANDREE
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