Papa rentre à la maison. Je suis à table. Comme à son habitude, il me glisse des bisous tout doux dans le cou. - Bonjour Monsieur René ! - Bonjour, Lou ! - Non, fais Monsieur René ! - Et si tu me disais d'abord bonjour... Il s'accroupit tout près de moi et me caresse. - Bonjour, papa ! Bonjour Monsieur René ! - Comment vas-tu, Lou ? Ça a été avec la visite chez le docteur ? - Fais Monsieur René, papa ! - Mais moi, j'ai envie d'être avec toi, de parler avec toi. J'monte d'un ton : - Non, fais Monsieur René ! Papa reste étonnement calme. - Non Lou, j'ai pas envie de le faire, j'ai envie d'être avec toi. - Arrête, papa ! - Non petit Lou, je ne vais pas arrêter... J'essaye l'autorité : - Tu-a-rrê-tes ! - Lou, ça ne sert à rien... Au plus tu réagiras comme cela, au moins je ferai Monsieur René. - Fais Monsieur René ! br>- Non, je ne ferai pas Monsieur René. Moi, c'est Lou que j'aime. C'est toi. Pas Monsieur René. Je l'interromps : - Tu ne me parles pas comme ça ! Il fait comme si de rien était et continue à me parler. Dialogue de sourd. - Monsieur René, "le Petit Chien Courage" c'est un jeu... Moi : "Non !" - Moi je préfère quand tu es Lou... Moi : "Non !" - Alors je ne vais pas le faire parce que je veux que tu sois Lou. Moi : "Non !" - Et j'aimerais bien que tu m'écoutes, s'il te plaît. - Tais-toi, papa. J'en profite pour le repousser un peu, parce qu'il me colle un peu trop. - Non je vais pas me taire, petit bonhomme, parce que tu es un petit garçon et que je suis ton papa. ( Moi : "Non !"). J'ai plein de choses à te raconter, à t'apprendre. Il m'énerve. Je hausse encore d'un ton mes "Non !". Maman qui me préparait une tartine nous rejoint. - Maman, dis bonjour au Petit Chien Courage. Je sens le temps suspendu. Je les devine comploter. - Non petit coeur, tu as entendu ce que papa a dit et je suis d'accord avec lui. - Tais-toi, maman ! Ma colère monte. - Mais tout va bien, petit Lou. Calme-toi. - Fais Monsieur Renééééé ! Papa m'aligne des mots que je n'écoute même pas, rythmant son blabla de "non !" de plus en plus colériques. Lui et maman restent zen. - Ecoute bien, mon petit garçon : Si tu continues, on ne fera plus "Monsieur René", "le Petit Chien Courage" et tous tes personnages de jeux imaginaires, tu m'entends ? Tu peux crier autant que tu veux, cela ne changera rien. Moi (comme un moulin) :"Noooon ! Nooooon ! Noooon !" Papa et maman me surprennent alors. J'les entends m'imiter de concert : - Nooooon ! Je ne peux réprimer un léger sourire que je gomme aussitôt en reprenant ma mélopée : "Nooon !" Pour la première fois, j'entends le ton de la voix de papa se faire plus sèche. - Lou, je n'ai pas envie de me fâcher, alors tu arrêtes ! A signal fort, réponse adhoc : - Kesk'y a, papa ? - Il y a que je ne suis plus d'accord. - Kesk'y a ? - Tu le sais très bien, mon fils. Alors si tu as envie d'hurler, c'est comme tu veux, mais ça ne changera rien à notre décision. - Fais Monsieur René, papa ! - Non, mon Loulou. On ne cèdera pas. - Maman, dis : bonjour Petit Chien Courage ! - Non, Lou. Plus tard. Je relance ma machine à "Nooon !", me mets à pleurer. Ils me font chier. Comme je ne mange plus depuis l'arrivée de papa, ils veulent que j'aille prendre le bain. Moi : - On fera le Petit Chien Courage dans le bain... Crise de chez crise lorsqu'ils n'acceptent pas l'échéance. Pourtant, j'viens de négocier, là ! - Après le bain, Lou ! - On est après le bain ! J'fonds en larmes. Mes parents sont des tyrans. J'comprends pas pourquoi ils veulent pas jouer avec moi... Il me faut un bon quart d'heure pour me calmer avec maman (après un gros bisou, papa est parti travailler dans son bureau – je ne voulais plus de lui- ).
Dans le bain, je joue tout seul en grondant je ne sais qui : - Alors ça suffit ! Tu arrête de faire tout le temps Monsieur René ! ... Non, tu ne fais pas le petit chien courage, non plus !
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