Papa revient à la maison après avoir été promener le chien et arrive pile en même temps que moi, de retour de l’école. Chui pas de bonne composition. Naze crevé. J’pensais qu’on était vendredi et que donc demain, j’irais à la piscine avec maman comme tous les samedis. Hélas, on est jeudi. Quand maman, en voiture, m’a dit que le lendemain j’irais encore à l’école puis le surlendemain à la piscine j’ai commencé à hurler :« L’écôôôle, l’écôôôle ! » …Non stop. Pas moyen de me raisonner.
Quand papa ouvre la portière de la voiture, j’entends Eva qui dit : « j’en ai marre de ce Loulou qui crie tout le temps ! » Papa me propose de me prendre dans ses bras (ô miracle pask’avec ses épaules en convalescence, y ne le fait plus depuis des mois). Réaction ? Niët de chez niët ! J’fais comme si j’avais rien entendu. « L’écôôôle, l’écôôôle ! » Je fais ma petite moue paske j’ai envie de pleurer. Chui incompris… Papa insiste doucement. Il me force légèrement tout en me faisant réaliser la chance qu’il m’offre : venir dans ses bras ! Et puis il rajoute : « Tu pourras venir pleurer dans mes bras, ça te fera du bien, tsé » … je pige, me laisse faire et fond alors en sanglot.
Il me porte jusqu’au salon et m’assied dans le fauteuil, enfin, dans ses bras. Il essaye de me raisonner mais chui toujours aussi malheureux. Papa essaye alors de me calmer : « c’est pas grave mon pt’tit Lou. Tout va bien. Il y a juste une nuit, un jour d’école, et puis encore un dodo et la piscine… » Je r’démarre au quart de tour : « L’écôôôle, l’écôôôle ! »
Papa d’une voix calme mais ferme me dit que ça suffit. « Maintenant tu arrêtes, Loulou, et tu vas écouter papa. » Il recommence son explication sur le ton optimiste et chantant qui marche à tous les coups avec moi ou presque. « Ça va être gai d’aller à l’école, et puis ce sera gai la piscine ! » Je r’tente un coup : « L’écôôôle !» Papa : « Explique-moi, mon bonhomme, pourquoi tu dis toujours « écôôôle » » (en le disant à ma façon) « Ça veut rien dire « écôôôle » tout seul !» Là, il me fait sourire en m’imitant ainsi. Du coup, j’imite son imitation mais avec un soupçon de sourire et sans crier cette fois : «L’écôôôle » Aussitôt, il se met à me chatouiller en faisant semblant de me gronder : « Mais qu’est ce que j’ai dis ! » Moi : « écôôôle ». Bref, on entame une séance de guili façon « le fauteuil qui pleure », le signal étant à chaque fois le mot que j’peux plus dire au risque d’être chatouillé.
Une fois que ma petite personne est revenue dans le positif, je l’sens venir à la charge. « Dis, mon Loulou, pourquoi tu voulais pas entendre le mot école ? » Moi – ne crisant plus - : « Paske… l’écôôôle ! » J’m’attends à ce qu’il me chatouille, mais rien ne vient. Papa insiste : « J’aimerais comprendre… J’aimerais que tu me répondes pour pouvoir t’aider». J’le fais jouer au funambule sur la corde raide, prêt à rechuter dans ma colère. Papa : « Mon petit Chounet, j’voudrais juste comprendre… » Et bien il ne comprendra pas ! C’est trop compliqué dans ma petite tête. Et puis, maintenant qu’il est là avec moi dans le salon au lieu de disparaître comme d’hab. dans son bureau, chui pas prêt à le lâcher ! J’ai envie de jouer avec lui, moi ! Et il l’a bien compris.
On commence à jouer aux « pays », puis re-« l’écôôle » mais en jeu (ses guilis me font mordre ses vêtements… et au travers : sa peau !). Il me demande d’arrêter. Mais c’est plus fort que moi à chaque fois. C’est le prix de mon excitation : morde, sans méchanceté, mais mordre ! …après seulement, quand on me le rappelle, j’arrête.
On joue ensuite à tomber par terre. C’est un de mes jeux favoris avec lui, mais qu’on peut plus faire à cause de ses épaules : assis sur ses genoux, je le tire et on tombe tous les deux à terre, moi dans ses bras, accroché comme un chimpanzé, et lui finissant à quatre patte en m’écrasant un peu. Là, il doit pleurer comme s’il s’était fait mal ; puis je dois l’aider en le repoussant et on retourne dans le fauteuil (en restant toujours bien accroché à lui). Au bout de deux fois, il me dit qu’il doit arrêter pour ses épaules. Je réinsiste : « A papa de tomber par terre ». Il me demande alors de l’écouter en me blottissant contre lui. Le cochon ôse : il revient à la charge avec ses propos sérieux. Il m’explique que je dois savoir obéir. Il cause ainsi cinq minutes, expliquant que je suis un enfant (c’est vrai que ça, je le pige pas trop), et que quand c’est non, c’est non. Au bout du compte, il me demande de répéter les dernières phrases simples qu’il m’a bassinées. J’fais diversion. Il insiste. Re-diversion : « l’écôôôle » (en riant) Il lâche pas aujourd’hui. Il recommence la phrase à répéter : « Tu dois apprendre à … » (silence) « …à o… ? » (moi : « écôôôle » ). Papa : « Non, mon p’tit Lou, je veux que tu me répondes pour savoir si tu as bien compris. » Et cette fois –au bout de cinq nouvelles minutes – je lâche le morceau…pour lui faire plaisir et pour que lui me lâche les baskets.
Entre-temps, maman s’est occupée d’Eva et de mon repas gargantuesque du soir. Quand il est prêt, je rejoins maman et papa monte travailler.
La fatigue étant toujours là, je re-crise au moment du bain : ma panique de la baignoire vide… : je confond « coule » dans le sens « remplir » et « coule » dans le sens « vider ». Mais cette fois papa ne parviendra pas à me calmer, à l’inverse de maman qui patiemment me rassurera. Y’a des jours comme ça…
C’est juste un chronique du temps qui passe, parce que la vie avec moi, c’est parfois ça aussi. Mais keep cool, la vie est belle !
P.S. / N.DL. : je tiens à rendre ici hommage à la maman de Lou. Ce n’est pas parce que j’écris cette chronique où pour une fois je viens l’épauler, qu’elle ne s’en tire pas aussi bien, si pas mieux que moi avec notre sacré bonhomme.
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