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Lettres à Lou |
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Le regard d'un papa sur son petit prince pas comme les autres, sur la vie, l'éducation, l'amour.
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samedi 27 mars 2004 |
22. Le métier de l'image. |
(Ma planète - troisième partie)
Mon petit garçon,
Permets-moi de terminer cette étrange histoire qui a précédé et marqué ta venue.
Les événements qui ont suivi ont été baignés dans l’insouciance retrouvée. Les années ont passé. Après des études de cinéma, j’ai très vite trouvé du travail en qualité d’assistant. En 1986, je ne réalisais pas encore de film ni n’écrivais de scénario lorsqu’un jour, au détour d’un fait-divers lu dans le journal, l’envie me prit d’écrire et imaginer une histoire autour de ces quelques lignes. Achat d’une machine à écrire (l’ordinateur personnel en était encore à ses balbutiements) et quelques jours de congés entre deux films me suffirent pour dactylographier d’un jet un scénario de 120 pages : « Une sirène dans la nuit »
Mais je dus alors apprendre la patience. Nombreuses étaient les personnes intéressées par l’histoire de cette petite fille de cinq ans perdue au bout d’un téléphone, mais nul ne voulait m’en confier la réalisation.
Les années passèrent. Deux ans plus tard naquit ta grande sœur Mathilde, cinq ans après, ce fut le tour d’Eva. Mais toujours pas de film.
Je me décidai alors à tourner un court-métrage afin de gagner la confiance d’un hypothétique producteur. Je choisis d’écrire un huis clôt, autoproduction oblige : « A la folie » ou l’histoire d’une femme ayant perdu la raison suite à un deuil insupportable. J’y posai d’étrange limites entre la « raison » et la « déraison », chaque personnage de cette famille étant à sa manière dans son monde, sa logique. Le film fut tourné dans la maison de Dominique, mon ami d’enfance décédé, avec toute la complicité de ses parents.
Grâce à ce court-métrage, une productrice s’intéressa alors à moi, me demandant si j’avais d’autres projets. Je lui sortis alors le scénario écrit neuf ans auparavant et à ma grande surprise, elle me proposa d’essayer de le produire. Mais après tant d’années, l’histoire ne m’intéressait plus de la même manière : ce n’était plus le destin de la petite fille qu’il fallait sauver qui m’enthousiasmait, mais le personnage obligé de la sauver. Elle me proposa alors de réécrire le scénario avec un co-scénariste, car le dit personnage n’avait aucun obstacle pour en faire le héros, le « protagoniste ».
C’est ainsi qu’un an plus tard, après avoir imaginé tous les obstacles possibles qui puisse amener un homme dans une détresse morale profonde à devoir la dépasser pour sauver une gamine, que nous convenons avec le co-scénariste ce qui suit : Jean (le personnage principal) sera le papa d’un enfant handicapé autiste. Brillant architecte, il abandonne sa femme et son enfant et se réfugie dans un métier de standardiste de nuit pour éviter tout contact avec le monde.
Nous étions alors en 1997 et tu n’étais même pas encore conçu. Vint alors l’attente du financement et de l’accord des télévisions. Vint alors ta naissance, en août 98.
Quelques jours avant celle-ci, je conçus ton annonce de naissance (voir dans la colonne de droite) dans le même esprit que celles de tes sœurs : des jeux de caractères, des mots, des phrases. J’imaginai une carte postale que tu aurais rédigé peu après ta naissance. J’y raconte les cinq sens qui petit à petit te feraient prendre conscience du monde qui t’entoure. J’y conçus aussi ta peur de ce monde… à moins que ce ne fut la mienne. Etrange n’est-ce-pas ?
Deux semaines après ta naissance, nous partîmes en Vendée chez des amis pour souffler un peu. Et c’est alors que nous nous rendîmes compte que des choses n’allaient pas : ta soif permanente, ton absence de réaction visuelle. Nous avons alors décidé de rentrer pour consulter un médecin.
Ironie, au moment de monter sur la première bretelle d’autoroute, ma productrice me téléphona pour m’annoncer que le feu vert était donné pour le film. Le temps de lancer le casting, le tournage était annoncé dans quatre mois.
Vient alors la période la plus dure : d’octobre à fin novembre, nous nous retrouvons à multiplier les examens médicaux d’hôpitaux en hôpitaux. Les médecins se veulent rassurant, mais quelque chose en nous dit tout autre chose, de la raison de notre entêtement. Une étrange réplique du film (à tourner) résonne en moi (celle où la femme de Jean essaye de lui démontrer qu’il aime son fils malgré tout) : « Ce n’est pas toi qui a couru dans les hôpitaux pendant des mois avec ton enfant des les bras ? »
Quand enfin les médecins se décident à faire l’examen qui dira « la vérité » (une résonance magnétique), je suis à quinze jours du début de la préparation du film. Les résultats tomberont la veille : «votre fils a une malformation congénitale appelée « dysplasie septo-optique » : nerfs optiques atrophiés, pas de septum (une membranes séparant les deux ventricules du cerveaux) et une hypophyse sous développée. Ta cécité est définitive, ton diabète insipide (le fait de ne pas garder l’eau) aussi. Quant à ton équilibre psychologique la réponse fut simple : impossible de faire un diagnostic avant plusieurs années.
Ma réaction fut immédiate : foncer tête baissée dans la préparation, puis le tournage et enfin le montage du film. Quatre mois d’apnée et d’émotions contenues, telles les jours de tournage des scènes ayant traits au rapport entre Jean (Roland Magdane) et sa femme (Anne Richard) à propos de leur fils. « Dimitri est autiste, Jean. » (Jean :)« Je ne peux pas supporter qu’il n’y ait plus d’espoir »
Le film connut un énorme succès à la télévision, tant en France qu’en Belgique, au point d’être rediffusé régulièrement. Cela me mettra du baume au cœur.
Il faudra attendre quatre mois et l’été suivant pour qu’enfin je craque. Le long trajet pour descendre en vacances dans le sud de la France où j’imagine l’ennui qui doit être le tien puisque tu ne peux pas voir les paysages en est le déclencheur. 11 Août 1999, la veille de ton premier anniversaire, l’éclipse totale du soleil… « Je pète un câble ». Je deviens autodestructeur… Un enfer pour toute la famille… Mais heureusement, je prends conscience du choix inéluctable qu’il me faut faire : soit me complaire dans ma petite souffrance, me détruire et par là même détruire tout autour de moi, soit faire le choix de la vie, de l’amour et du partage.
Voilà mon bonhomme. Voilà toute l’histoire qui résonne étrangement en moi. Je voulais l’écrire pour que peut-être un jour tu puisses l’entendre, pour que tes sœurs puisse la lire, et les autres gens aussi, car ma planète a été métamorphosée par tous ces événements marquants . Ce que je suis aujourd’hui a été façonné par toutes ces cicatrices de la vie, comme chaque être humain. Ce que toi et tes soeurs seront demain, sera le fruit de l’enrichissement et de l’apprentissage que nous réussirons ou non à vous léguer.
Je le répète, il n’existe aucune échelle de valeur aux souffrances humaines, et j’estime ne pas avoir à me plaindre car le bonheur m’a souvent accompagné aussi. J’aime ma vie, mon histoire, passée, présente …et à venir, car je souhaite l’écrire en lettres d’or.
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Par Luc Boland :: samedi 27 mars 2004 à 18:34 :: Mon âme
:: #37
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Vos commentaires |
la frimousse de Lou et votre chronique m avaient interessee quand je l'ai lue, par hazard,au bar de l'hôtel où nous passions une semaine aux sports d'hiver.Depuis,je ne vous ai pas oubliés.le hazard m'a à nouveau donné l'occasion de vous lire dans cette revue la semaine dernière et depuis,j'étais très impatiente de continuer sur internet (ce sont mes premiers pas dans ce domaine).je ne crois pas non plus au hazard et me voilà déjà "soufflée" par certaines phrases et je n'en suis qu'à la troisième lettre.d'avance merci . |
Le dimanche 28 novembre 2004 à 19:15,
commentaire par
bernadette
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Etrange...La personne qui écrit avant moi a le nom de ma mère décédée....
...je crois, Luc, que le petit Prince, en fait, c'est toi!...et que Lou est la Rose que tu as apprivoisée...
Merci d'avoir cru en la Vie et en l'Amour...
Merci de partager ces instants magiques avec nous.
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Le jeudi 9 décembre 2004 à 21:58,
commentaire par
Lisette
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