Lettres à Lou
  Le regard d'un papa sur son petit prince pas comme les autres, sur la vie, l'éducation, l'amour.
 

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A propos des lettres à Lou


Cela faisait des mois que je ruminais ce projet et rédigeais ces articles que sans cesse je retravaillais.
Si le journal de Lou raconte sa vie et sa perception des choses, même s'il est clair que c'est moi (son papa) qui opère le "transfert" en essayant d'imaginer et retranscrire ce qu'il pense et sa perception de la vie,
Cette page ("Lettres à Lou") , sera ma perception de lui, mes réflexions et autres questionnements.
L'un et l'autre sont en étroite interaction.
Bonne lecture.

Luc Boland
 

L'annonce de naissance de Lou


Ta venue parmi nous n'est pas un hasard...
Mais cela, je te l'expliquerai un jour.
C'est un fameux puzzle.
Parmi toutes les pièces à mettre dans le dossier, il y a ton annonce de naissance (ci-dessous)
 
 

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mardi 23 mars 2004

21. Mon enfance et mon adolescence

(Ma planète - deuxième partie)

Mon petit garçon,

Il se fait que jusqu'à ton arrivée, les moments clés de ma vie ont tous été liés à la vue.

Permets-moi de te raconter la suite de mon histoire, mais en faisant une mise en garde importante : il n'est pas question dans ces lignes de pleurer sur mon passé. Chaque être humain vit et souffre à des degrés divers durant sa vie et il n'existe aucune échelle de valeur à ce propos, seule le caractère permet à l'un ou à l'autre de se remettre ou de vivre avec les blessures de la vie.
Et en ce qui me concerne, je pense m'en être pas trop mal sorti.

Retour à mon enfance.
Je passerai en vitesse cette étrange rencontre qui se produisait dans la maison de mes parents lorsqu'un accordeur de piano aveugle venait régulièrement ajuster l'instrument de musique de ma mère.
Après son travail, ma maman lui offrait à chaque fois une tasse de café dans le salon. Un rite auquel j'étais invité et dont je ne pouvais me soustraire.
Je t'avoue qu'à l'époque - entre mes cinq et dix ans - un profond malaise m'habitait et pour cause : je ne pouvais voir ces yeux éteints, cachés par des lunettes noires ; je ne pouvais donc percer le secret de son âme (en regard à ma quête de vérité dans le regard des autres).
J'étais aussi très impressionné par sa voix douce et posée, la préciosité de son toucher quand il me serait la main au moment de partir.
Mais soit. Telle ne fut pas la chose la plus importante à cette époque.

Une autre chose qui me marqua, tout au long de mon enfance, fut ces revues "Paris-Match" traînant dans le porte journaux.
"Le poids des mots, le choc des images".
Tel était leur slogan racoleur.
Telles étaient les photos : impudiques.
Je n'oublierai jamais ces clichés de la guerre du Vietnam, comme celui de cette jeune femme nue, le corps brûlée au napalm, s'encourant sur une route en hurlant son effroi, se dirigeant droit vers l'objectif du photographe.
Je n'oublierai jamais les images de l'incendie de ce grand magasin à Bruxelles que j'avais fréquenté avec ma maman - "L'innovation" - : ce gigantesque brasier, le visage sale et désespéré de ce sapeur-pompier, ces silhouettes se jetant par les fenêtres, cet amas de gravas fumant. Et encore et toujours, semaines après semaines, des photos de détresse, de visages aux yeux rougis ou plein de larmes me rappelant ceux de ma maman à l'époque de sa maladie.
J'avais sept, huit ou neuf ans à l'époque.
Le monde et la vie n'étaient-ils que souffrance ?

Vint alors l'accident le plus bête, le plus stupide, mais ô combien chargé de symbolique :

C'était très exactement le 28 janvier 1971: le jour de mon dixième anniversaire. La date coïncidait avec un samedi.
A l'époque, on ne fêtait les anniversaires qu'épisodiquement (aux dates « « rondes » et « importantes »).
Tous mes amis étaient invités pour cette après-midi exceptionnelle.
Parmi eux, mon meilleur ami et inséparable voisin : Dominique.

Avant de visionner des films 8mm d’animations que mon papa avait été louer (ben oui, la vidéo n’existait pas à l’époque), nous jouions « guerre » au fond du jardin – l’influence de la guerre froide oblige -.

Un de mes amis me prêta une épée en plastic mou dont le bout était élimé.
A peine en main, j’interpella Dominique qui se trouvait à une dizaine de mètres de moi et dégaina l’épée de son fourreau d’un geste vif.
Ce qui se produisit alors ne dura qu’une seconde, mais je le revois encore aujourd’hui au ralenti, comme dans le films des « Visiteurs » où la flèche de l’arbalète avance inexorablement, sans aucune possibilité d’arrêter le temps : la tige rigidifiant le jouet s’était extraite de l’épée et fonçait droit vers Dominique.
Elle se planta dans un œil.
Effroi. Effluve de sang. Le cauchemar absolu.
Dans la panique générale, mes « camarades » s’empressèrent de me désigner comme « coupable » -c’est la dure loi parfois de l’enfance-.
J’en ai bavé des mois durant, que ce soit à l’école ou à la maison :
« Tu l’a fait exprès ! » - « Tu as rendu Dominique aveugle ! »
Dominique dû être opéré des heures durant pour sauver son œil. Il rata son année scolaire, mais il fut le seul à me pardonner, sachant très bien que c’était un accident.
Nous sommes resté les meilleurs amis du monde malgré qu’il ne retrouva pas une vision optimale à cet oeil.

Etrange destin que le mien… d’autant que le comble reste à venir.

Neuf ans plus tard, bien que cinq mètres à vol d’oiseau séparaient nos chambres, nous étions, Dominique et moi, pris par la mode de la « Cityzen-band » (radio amateur). Nous conversions ensemble tous les soirs.
Un vendredi soir, il m’annonça qu’il allait se rendre en Ardennes pour y faire du ski de fond.

Le lendemain, le samedi 20 janvier 1980 vers 11h00 du matin, ma maman entra dans ma chambre pour m’annoncer sa mort.
Au détour d’un virage, le conducteur de leur voiture a été aveuglé par le soleil. Il n’a pu voir un semi-remorque en panne sur la première bande. Leur voiture s’y est encastrée. Dominique a été tué sur le coup. Il avait dix-huit ans.
Je me suis naturellement retrouvé à soutenir ses parents, sa famille et son autre meilleur ami qui tous étaient inconsolables. Sa maison est devenu pendant de nombreux mois mon second lieu de résidence.

J’avais alors 19 ans et ne savais quelles études faire, si ce n’est que je me destinais à un métier artistique. Et c’est précisément cet événement et cette rencontre avec son autre meilleur ami qui allait décider de mon futur métier : photographe de formation, il trouva que l’audiovisuel était « fait pour moi ».
Je n’y connaissais rien à l’époque en cinéma, étant plus tourné vers le son et le littéraire. Appuyé par un de mes frères, je me suis laissé convaincre : je ferais de l’image mon métier…


Tu vois, petit bonhomme : ma relation avec la vue a ponctué ma vie.
Je te raconterai la fin dans ma prochaine lettre, car ce n’est pas fini !
Par Luc Boland :: mardi 23 mars 2004 à 18:34 :: Mon âme :: #36 :: rss


Vos commentaires

Et oui, je ne m'en suis jamais réellement remis. Mais tu étais là Luc.
Connaissant Dominique, c'était obligé.
De là haut ...
Grosses bises à Lou, à ses deux soeurs, à Claire, et à toi bien sûr.
L'autre. (mais si tu le veux tu peux me nommer)

Le samedi 4 mars 2006 à 22:32, commentaire par L'autre :: #
 
;-) luc
Le samedi 20 mai 2006 à 12:58, commentaire par Luc Boland :: #
 

incroyable, en lisant ces lignes, les mots me manquent, je ne sais quoi dire, c'est tellement émouvant.... pour la suite surtout !

Le samedi 9 septembre 2006 à 09:20, commentaire par laurence :: email :: #
 
Hé oui... pourtant, je ne crois pas réellement au destin. Je dirais que la vie nous envoit des signes. Et parfois pour certains, ces signes sont si fort qu'on ne peut... les voir. Je me dis souvent que j'aurai eu une vie singulière, remplie, et riche en émotions. Un drôle de parcours qui, écrit dans un scénario, laisserait dubitatif n'importe quel lecteur d'un comité de lecture. "Il exagère un peu... C'est un peu gros, quand même, tous ces concours de circonstances. Un peu trop de "Deus ex-machina", vous ne trouvez-pas ?". ...Et pourtant. J'aime ma vie, même si par moment, j'aimerais avoir un petit coup de main d'un vent favorable.
Le dimanche 10 septembre 2006 à 18:14, commentaire par Luc Boland :: #
 

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